S’il y a bien un domaine qui peut s’enorgueillir d’être de l’école Jules Chauvet, c’est bien à Chénas chez les Thillardon qu’on le trouve.
Jules Chauvet, vigneron et fin dégustateur du Beaujolais, a vu arriver la chimie dans les années 1960 / 1980 mais n’a jamais cédé à la tentation pour préconiser une viticulture saine et une vinification avec le moins d’intrants possible, à l’instar de quelques « grands sages » de la viticulture française comme Pierre Overnoy par exemple .Si on ajoute la biodynamie, la viticulture pratiquée chez les Thillardon peut être qualifiée de paysanne ou d’artisanale, une viticulture de bon sens basée sur l’observation sans revendiquer le moindre label. Le domaine, créé en 2008 par Paul-Henri, a depuis intégré frère et sœur dans l’équipe et couvre 14 hectares dont une petite moitié en propriété, le reste en métayage. Il se réparti en 1.5 ha de Moulin à Vent, 11 ha de Chénas et 1.5 ha de Beaujolais dans la partie sud de l’appellation et les vins revendiquent leur parcelle d’origine.Les grands terroirs cadastrés de la commune ont été « préemptés » par l’appellation voisine Moulin à Vent en 1936 et si la parcelle fétiche du domaine, « Chassignol » n’apparaît pas sur la réédition du livre de Vermorel et Tanguy de 1894, c’est qu’elle était plantée de chênes, d’où le nom de l’appellation.
Les meilleurs terroirs sont labourés au cheval et le domaine avec volailles, cochons, pâturages s’identifie à une ferme telle que la biodynamie le conçoit. Il aura fallu 6 années pour que ses effets se visualisent sur les vignes et les sols et constituent une biodiversité permettant à la vigne de s’immuniser contre les différents prédateurs. Les terroirs de Chénas sont granitiques, traversés par plusieurs filons de quartz et les sols sont pauvres en matière organique. La vinification au domaine est tout aussi réfléchie que la viticulture, et le bon sens paysan n’empêche pas de s’appuyer sur des méthodes scientifiques pour élaborer les vins. Le domaine utilise beaucoup le froid, le microscope et la tenue à l’air des vins pour suivre leur évolution. Avec des pH bas dû au travail du sol et à la biodynamie, les jus sont « auto-protégés » et il suffit de les accompagner en intervenant le moins possible. La vendange est manuelle, elle séjourne dans un container frigo afin de la descendre à 10°C, et les raisins entiers sont mis en cuves pour une fermentation traditionnelle dite « semi-carbonique » ou « beaujolaise ». Pas de remontage, ni pigeage, ni délestage ; juste quelques seaux du jus en fermentation déversés sur le chapeau afin de mouiller le marc et d’éviter un goût d’acétate. Les raisins montent en température et fermentent sous l’action des levures indigènes. Ils restent ensuite 20 à 25 jours en cuve béton avant d’être pressés – depuis 2018- avec un pressoir bois vertical.
Les vins en cours de fermentation sont régulièrement observés à l’aide du microscope pour suivre la microbiologie et anticiper le développement des mauvaises levures. Les vins de presse et de goutte sont assemblés en cuve ou en fûts de 5 à 15 vins et sont élevés sur lies en milieu réducteur avec un soutirage au cours de l’hiver. Nous n’effectuons qu’un seul ajout de sulfites à ce moment-là, une dose homéopathique de 15 mg/l. Puis, ils séjournent en cave jusqu’au printemps, si ce n’est plus pour les grands terroirs étant donné qu’ils ne sont pas filtrés avant la mise en bouteille. Le domaine élabore des vins qui gardent beaucoup de fruit « frais » en vieillissant et qui, bien conservés, traversent le temps.
Le domaine est régulièrement cité dans la presse spécialisée